Mario FERRISI
Les amandiers de Laugé
Ils sont toujours posés tout au long des talus
Penchant vers le Pujal, se tenant par la main
Agitant en riant leurs branches chevelues
Barbouillant de leur ombre l'Achillée ou le Thym
Dans ce radieux midi qui farde les vallons
Les oiseaux rayonnants ont de sublimes chants
La nature éternelle disperse ses rayons
Sur le chemin mythique des amandiers géants
Vous souvient-il des temps où l'homme au chevalet
Avec son front serein et son âme discrète
Venait brosser ses toiles, les magnifiant d'un trait
Puis remerciait le ciel en ôtant sa casquette
Ah, comme il était beau, l'artiste dans sa gloire
Son paysage ouvert devant l'astre du jour
Dès l'aube sur un banc où il venait s'asseoir
Pour guetter la lumière, l'ombre et les contre-jours
Son pinceau vénérable lui tenait l'univers
Les horizons dorés par le soleil levant
Fleuraisons d'amandiers, éclosions familières
Qui faisaient de ces lieux, un Eden énivrant
****
Jean ESPARBIE
Dans l'Histoire
Glacé par les terreurs, nombreuses dans l’Histoire,
Je redoute toujours un serpent ténébreux
Au rampement feutré vers la folle victoire
Sur celui qui mourra sous le reptile affreux.
On donnerait bien sûr à cette bête infâme
Le nom d’un insensé fort connu dans temps
Jusqu’à troubler l’esprit et faire frémir l’âme
À chaque bond du corps sans doute pour longtemps.
Dans le tamis des ans, il me reste en mémoire
Clovis parmi les Francs, Charlemagne empereur,
Le juste Saint Louis dont on vante la gloire,
Puis le bon roi Soleil loué pour sa grandeur.
D’autres Français aussi à la tête superbe
Peuplent les souvenirs des leçons du passé,
Comme Napoléon, engendré par le Verbe
Et Lucifer unis dans un ordre classé.
Ici nul n’oserait ternir leur aura blanche
Mais ailleurs parfois loin beaucoup souligneraient
Les drames supportés par la volonté franche
D’exterminer partout ceux qui les imploraient.
Compté des étrangers, du berceau d’Angleterre
Le Prince Noir surgit dans tout le Languedoc
Tua, pilla, brûla tel jadis dans la guerre
Contre les albigeois mis au bûcher en bloc.
D’aucuns outre le Rhin ruinèrent les entrailles
Du pays affaibli des précédents assauts,
Excités d’acclamer les vastes funérailles
Des chères libertés, avant les vrais sursauts.
L’animal maintenant revêtirait la forme
D’un conquérant dans l’Est, d’un ministre oppresseur
Qui se voudrait vengeur, les deux hors d’une norme
À propos des civils face à l’envahisseur.
Sur le miroir du ciel, nettoyé des orages,
On peut apercevoir les tyrans des malheurs
Qui gonflent la légion des dirigeants aux rages
Ainsi qu’un vertébré dont je crains les horreurs.
Des furieux élans, sombrent dans les abîmes :
Les enfants affamés, les vieillards en lambeaux,
Les pauvres gens chassés, voire maintes victimes
Dont l’ombre du Seigneur caresse les tombeaux.
À l’enfer des conflits le poète s’oppose
Avec ses seuls écrits – armes sans lendemain -,
Suppliques pour la paix qu’au tréfonds il suppose
Impossible vertu dans l’océan humain.