Auguste ARMENGAUD
Veterans Memorial
Soixante plaques de granit noir
Enfoncées dans le sol qui vibre
Comme un coin au cœur d’un grand soir,
Un clou dans une main martyre.
Près de soixante mille noms gravés
Qui montent de cette blessure
Morts combattants dépravés
Ressuscités de ce mur d’imposture.
Tant d’hommes partis volontaires
Métis, indiens, rouquins,
Soumettre une terre étrangère
Sous la fureur des brodequins.
Porté dans les bras de sa mère
L’enfant noir répète tout bas
En pleurant et martelant la pierre
O Daddy, pourquoi ne reviens-tu pas ?
Dans le pâle reflet du miroir
Nait le visage de l’innocence
Qui jette sur notre bestial regard
Le poids de l’aveugle conscience.
Entre le géométrique et l’informe
Nécropole ou mur de lamentation
Sourd le silence pour que dorme
Le doute d’une génération
Face aux discours la prétention
Et leurs échos de certitude
Guidés par l’autre raison
Quand du vide naît la servitude.
***
Mario FERRISI
La paix
Lorsque enfin sur son front cessa l'esprit impur
Des villes et des fureurs aux préjugés vulgaires
Il perçut l'horizon de calme et de mystère
Près des futaies ombreuses où sied la rêverie
Il vit depuis ce temps, librement, sans contrainte
Loin du souffle imposteur qui courbe les humains
Loin des flots incendiaires, des principes, des valeurs
Des promiscuités viles, des cris des opprimés
Il trouva sous ce ciel sa force originelle
L'esprit des premiers temps où il vivait heureux
Les clairs matins d'espoir qui menaient au printemps
L'espérance sereine qui guidait son chemin
La paix dans ce Razès aux vignes impériales
Illumine son âme de son soleil de gloire
Son cœur las d'en découdre, s'émeut et se ranime
Etonnement muet devant tant de splendeurs
Ce suprême idéal devient destin propice
Qu'il écoute à souhait... murmure de l'infini
Couronné de verdure, c'est ici qu'il respire
Parmi le tourbillon plein de métamorphoses...
***
Jean ESPARBIE
Des beautés
A peine adolescent, je louai Aphrodite
Davantage qu’Hébé, Minerve ou bien Junon
Car j’admirai ses traits puis la légende dite
Par notre professeur dont je tairai le nom.
Dans la chambre en secret sur des photographies
Je découvris surpris les contours réguliers
D’une actrice et perdis maintes philosophies
Apprises des parents, des prêtres séculiers.
Aux parfums du printemps ressenti avec l’âge
Je goûtai la douceur d’un nouveau soubresaut ;
Je délaissai alors la notion d’être sage,
Magnifiait les sens jusqu’à mon « premier saut ».
Ici, ailleurs, toujours, j’offris à la mémoire
Cent aspects merveilleux et chaque souvenir
Illumine le cœur en dépit d’une gloire
Ridicule souvent, sans aucun avenir.
Les tours à la Cité, l’histoire des cathares,
En montagne un chevreuil, les dauphins à la mer,
Le canal du Midi, tant d’autres choses rares
Enrichirent l’esprit d’un homme moins amer.
Me laisser envahir par un récit lyrique,
Regarder un film d’art, un tableau, un dessin,
Ecouter un morceau d’une œuvre symphonique
Captivèrent l’esprit sans doute à bon dessein.
Adopter cette enfant à défaut d’artifice,
L’aimer par-dessus tout, lui donner du bonheur,
Couronner le succès du moindre sacrifice
Ornementa les jours à l’écart du malheur.
Eprouver le Soleil d’un sourire au visage
Des petits qu’elle mit dans les affres du temps
Brilla comme les vers couchés sur une page
Par le cristal du don acquis depuis longtemps.
J’ajouterai enfin le ciel des beautés d’âmes
Aperçu au regard des ravissants sujets
Rencontrés quelquefois dans la fureur des flammes
Du monde condamné pour mille et un rejets.
***
Claude SUBREVILLE
Le moulin de l'écluse...
L'écluse du moulin...
Où est passé notre MOULIN...
Celui d'où sortait la farine
Que nous retrouvions dans le pain
Quand nous étions gamins, gamines...
Notre modèle était la miche
Nous la coupions pendant sept jours,
Mais dure devenait la biche
Que nous mangions avec amour...
Je me souviens de notre école
Qui nous amenait visiter
Ce joyau que le dieu Eole
Regrettait de ne pas exciter...
En effet, c'est dans le canal
Que la roue du moulin tournait...
Acte à cette époque banal
Pour nos meuniers, les bien nommés
Nous revenons vers notre écluse
Celle qu'on disait du MOULIN
Nous l'implorons, mais elle refuse
La farine pour notre pain...
En nous rassemblant sur ce site,
Nous qui avons connu les meuniers
Notre mémoire va très vite
Les voir en sabots ou souliers...
La roue a cessé de tourner
Et nous restons l'âme vivante
De notre moulin oublié,
De ces caissons qui, encor' chantent
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Evelyne GENIQUE
Je suis une grande rêveuse
Rêver, c'est oublier la réalité
En se donnant un moment de liberté.
Rêver, c'est dire non à l'impossible
Mais aussi atteindre ce qui est inaccessible.
Rêver, c'est s'inventer des roses
Quand dans la vie il n'y a pas grand chose.
Rêver, c'est se promener dans son jardin secret
Aussi sereinement qu'un roitelet.
Rêver, c'est se créer un monde à soi
Illuminé par un soleil de joie.
Rêver, c'est toucher la beauté
Mais aussi émouvoir sa sensibilité.
Rêver, c'est broder un poème
Avec la soie d'un je t'aime
Sur le ciel de son cœur
Pour le donner à toutes les douleurs.
Rêver, c'est savoir se mentir
Et transfigurer la souffrance en plaisir.
Rêver, c'est pénétrer dans un autre univers
Où l'on ne voit ni la tristesse ni l'enfer.
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Guy PUJOL
Balades poétiques
https://bienvenue-chez-ariejoie.fr/ballades-poetiques-1.html
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