Auguste ARMENGAUD
Le vieil arbre
C’est vrai qu’il bougonnait
Geignant sous sa tignasse diffuse
Comme un beau bien trop né
Raidi par les ans qui l’accusent.
A chaque tempête il devenait frileux
Orgueilleux étriqué sur son socle noueux.
A la fin d’octobre ils sont venus
Lestes comme chats
Aux souliers griffus
La première branche chût
Quand la tronçonneuse hurla
La deuxième fût
Comme un bégayement
Une déchirure fatale
D’un ton sec et brutal
Elle jura en pleurant.
Puis de la charpente un à un
Tombèrent les larges bras d’envie
Pour finir comme un ver
Bien droit au torse offert
Et les beuglements lancinants
S’acharnèrent dans l’air impavide.
C’est quand son corps tomba
En une seule fois
Enorme par les coins repris
Et les coups dans le bois
Que j’ai poussé un cri.
Les moignons cisaillés s’enfoncèrent dans la terre
Sous mes pieds une onde circulaire
Tressaillit jusqu’au bout de mes doigts.
Silence des vivants, mort du silence
Reposoir, vibrance.
Le feu a couvé durant trois nuits sans ourse
Brûlant fourches enfuies et feuilles rousses
Un camion grue l’emporta à Choiseul
Personne ne porta le deuil.
Pourtant on vint souvent en groupe
Rôder autour de la souche
Comptant les ronds brunis, par couche
Grattant la sciure épure
Pour en sentir l’arôme murie
Appréciant la lumière si longtemps dérobée
A la vue du fantôme failli.
On aurait dit qu’on cherchait encore
L’âme du solitaire dans ce nouveau décor.
Figeant les trous des impacts de la grume tombée
Le froid descendit vite sur le tronc ébrasé
Le vent poussa les autres feuilles flétries
Dans les encoches vides de l’herbe meurtrie.
D’un gland pourri l’an prochain
Attendra qu’un autre chêne vînt.
Mario FERRISI
Les jaunes
Ces jaunes enragés qui chamboulent l'Histoire
S'extirpent des bas-fonds avec le dos voûté
Ils ont le ventre creux, plus rien dans la mangeoire
Et s'énivrent de larmes, assoiffés
...tu comprends ?
Viendra-t-elle, la justice, sur leurs pas de supplique ?
Viendra-t-elle se pencher sur leur âme déchirée ?
Sur leur ciel de misère, leur ire avec l'accent
Leur radeau d'infortune, sur la mer
... tu comprends ?
Leur lutte est maladresse et leur pain noir béni
Ils agitent leur pavois et leurs fesses en tremblant
Ils injurient patrie ? et crient « Allons z'enfants »
« On n'veut plus de bla-bla, de promesses »
... tu comprends ?
Mais des bonnets de nuit, des casqués malveillants
Ont barouffer la lutte, dessouder l'espérance
Le jaune à viré rouge... du Ripolin d'avant
Ils l'ont dans l'dargiflard, dans l'joufflu
... tu comprends ?
Mais l'populo petit a de fermes joyeuses
Il remettra l'couvert au tout premier levant
Et si ça n'suffit pas à péter leurs valseuses
Il f'ra du rentre-dedans... ça c'est sûr
...tu comprends ?
***
Le quatrain
Depuis que j'fais dans le quatrain
J'suis tout vérolé de syntaxe
Je n'fais plus ces crottes d'écrivain
Ces trucs à s'affouguer un max
J'mets d'l'allegro sur l'alphabet
Du pailleté sur la misère
J'refile des bulles au Chardonnay
Et du printemps sur les hivers
J'mets plein de roses au bout des dents
De la pommade sur les gerçures
J'envoie les sunlights au néant
Les violonades au vide-ordures
J'mets plein de mots aux yeux masqués
Qui font rêvasser les passants
Je n'hiverne plus dans mon passé
J'préfère les aubes, les « nouvel an »
Depuis qu'je fais dans le quatrain
J'prends tous les gestes de la lune
J'les file in petto aux terriens
Qui s'font une p'tite roue d'la fortune...
Jean ESPARBIE
Vous et moi
A Mathis
« Pourquoi me regarder avec cette insistance
Me trouvez-vous méchant et surtout monstrueux ?
Recherchez-vous au fond si quelque ressemblance
Ravirait votre esprit pour le moins tortueux ?
Allez savoir comment le destin un jour triste
M’accabla d’un défaut remarquable à l’entour.
Il me fait désigner très justement autiste,
Alors n’ajoutez rien à ce terrible tour.
Rejetez-moi aussi car pris d’indifférence
Vous pensez importun mon passage au milieu
D’êtres presque parfaits selon la référence
Que vous donnez sans cœur sur la Terre en tout lieu.
Mais qui prodiguera par pitié ou largesse
Un peu d’attention afin d’appréhender
Dans l’âme le trésor, en un mot ma sagesse,
À exploiter enfin sans vous le demander ? »
Claude SUBREVILLE
Mon petit moulin…
La nuit fut agitée,
Eole s’énervait
Enlevant tout de terre
Pour laisser la misère…
C’est ainsi, qu’en ouvrant
Mes grands volets de bois,
Je regardais « béat »
Mais je ne savais « quoi ? »
Devant moi, c’est le vide,
Mon moulin est parti
Et je pense livide
Que pour lui c’est fini…
Son corps je retrouvais,
A quelques mètres après,
Ses ailes étaient froissées,
Sa tête fracassée…
Je ne pus accepter
Que mon moulin soit mort
Il me vint une idée,
Lui faire un joli sort !
C’est ainsi que prenant
De lui, ce qui restait,
Je refis lentement,
Tout ce qui était cassé..
Mon moulin est fin prêt
On va faire la fête,
Eole, s’il te plait
Le vent, un petit geste…
Guy PUJOL
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Evelyne GENIQUE
Douce pluie
Tombe la pluie
De plus en plus fort
Le vent souffle
Et fait danser les nuages
J'aime la pluie
Ses odeurs variées d'humus, de terre,
De mousse, de feuilles séchées
Gouttes de pluie
Inondent mes yeux
Descendent sur ma joue
Ses gouttes semées, des perles soyeuses
Forment un rideau vaporeux
Toilettant les fleurs pudibondes
Tout en nuances d'aquarelles
Les escargots sont de sortie
Les canards s'ébrouent, trempés,
Sous la petite brise du matin frais
Un rouge-gorge à s'abriter de l'eau
Les limaces traversent très lentement
Petite pluie douce
Arrose mes pensées
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